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Japon: l’usine en mouvement, au coeur des priorités nationales.

Plongez au cœur de l’industrie japonaise, le Manufacture Thinking explore les avancées remarquables de l’automatisation, dévoilant ainsi les tendances et les défis majeurs de ce secteur en pleine effervescence.

Une délégation de vingt membres du Think Tank « Manufacture Thinking » s’est rendue au Japon du 15 au 20 avril 2024 pour une mission de découverte en immersion, axée sur l’avenir de l’industrie. Cette mission comprenait une série de rencontres à haut niveau et de visites d’entreprises, pour explorer les développements en robotique, ainsi qu’une visite à l’ambassade suisse pour discuter du rôle de l’industrie japonaise dans l’économie mondiale. Le groupe a également eu l’occasion de visiter des entreprises emblématiques telles que CASIO, FANUC et Bridgestone Robotics pour comprendre les pratiques de pointe en matière de fabrication et d’automatisation.


« Dark Factory »: les usines modernes sont autonomes

Dans les usines avancées du Japon, les robots occupent le devant de la scène, évoluant dans un environnement « sombre » la plupart du temps, ne s’illuminant que lorsqu’ils effectuent des tâches nécessitant de la lumière; ce sont les robots qui allument les lumière désormais. Cette automatisation quasi-complète permet même aux tests de qualité à se dérouler de nuit, créant ainsi un spectacle inhabituel de robots en action dans une obscurité totale et permettant aux humains de ne point souffrir des nuisances sonores liées à ces tests. Cette évolution vers une autonomie accrue transforme non seulement les processus de production, mais redéfinit également le concept de collaboration homme-machine.

  • Tests nocturnes: les ouvriers « biologiques » ne supportent pas d’assister aux tests de qualités des robots. Le bruit et la chaleur induits par les tests automatiques empêchent les humains d’y assister. C’est donc de nuit, et dans la nuit d’une usine éteinte, que les robots passent leurs tests.
  • Autonomie: dans ces usines avancées, les robots se construisent en-mêmes, marquant ainsi une étape significative vers une autonomie plus complète.
  • Co-botique: l’association de l’homme et de la machine, histoire ancienne et remise au goût du jour par les capacités sensorielles des robots. Une collaboration toujours plus étroite entre l’homme et la machine, rendue sûre, notamment par l’utilisation de capteurs de force.

« Quality & Safety First »: l’influence de la culture Japonaise sur les pratiques industrielles

L’approche japonaise axée sur la qualité et la sécurité influence profondément les pratiques industrielles, de la production à la communication. Cette mentalité favorise un contrôle strict de la qualité, encourageant ainsi une gestion intégrale de la chaîne de valeur. Cependant, cette approche pourrait limiter l’innovation dans un monde en constante évolution, soulignant ainsi le besoin d’adopter des modèles plus ouverts et collaboratifs pour favoriser l’innovation.

  • Verticalité: la priorité accordée au contrôle de qualité encourage une gestion intégrale/verticale de la chaîne de valeur. Les développements en interne sont privilégiés. Ce modèle adapté à un monde stable pourrait limiter l’innovation dans un monde industriel de plus en plus innovant. Comment s’orienter vers des écosystèmes ouverts et collaboratifs dans ce contexte?
  • Innovation ouverte & jeunes générations: Bridgestone investit sérieusement dans un hub d’innovation ouverte où la nouvelle génération d’ingénieurs commence à explorer les technologies, les produits et les modèles d’affaire de demain. Une série de proposition balbutiantes et d’une liberté folle nous ont été présentées. Bouture intéressante et fragile ; à suivre.
  • Tendance à l’automatisation: le Japon, confronté à une population vieillissante et à une pénurie de main-d’œuvre, se tourne de plus en plus vers l’automatisation pour compenser cette lacune.

L’ingénierie, un métier en transformation rapide

L’ingénierie subit une transformation rapide. L’automatisation progressive des processus de fabrication influence désormais fortement la conception. Les intelligences artificielles génératives redéfinissent le rôle des ingénieurs en proposant des solutions innovantes et optimisées sur d’innombrables données, jusqu’alors inaccessibles et inexploitables. Cette évolution vers une co-conception bicéphale « homme-machine » promet de révolutionner les processus d’ingénierie traditionnels, ouvrant la voie à de nouvelles méthodes de conception et de production; plus vite, meilleure, plus créative.

  • La politique des petits pas: les chaines de montages entièrement automatisées relèvent d’un processus lent et itératif.
  • Le rôles des ingénieurs: les IA génératives permettent d’envisager un future où les méthodes d’engineering et de design sont confiées à la machine. Intégrant les contraintes liées à la production, les IA pourront investiguer d’innombrables chemins optimisant l’ensemble des paramètres du design et de l’engineering. Une transformation importante est à envisager, modifiant le rôles des ingénieurs de manière assez stupéfiante.
  • Le « design« : le design, dit industriel, étend sa définition en intégrant les caractères esthétiques, fonctionnels, de production et de coût. Définir l’objectif, ou la fonction d’optimisation, relèvera toujours d’un choix puisque contrairement au jeu d’échecs, les règles dans l’industrie relèvent de choix et ne sont pas immuables.

L’ère du doux (Software vs. Hardware)

Alors que l’innovation dans les usines modernes est souvent associée au matériel et à l’automatisation physique, il est surprenant de constater le peu d’attention accordée au logiciel et à l’intelligence artificielle dans les discours industriels. Pourtant, le développement d’un système d’exploitation pour piloter les usines du futur et la montée en puissance des IA génératives sont des défis majeurs à relever. Cette tendance soulève des questions sur l’avenir de l’automatisation et de l’innovation dans le domaine industriel.

  • Operating System: on s’attendrait à l’émergence d’un OS pour piloter les usines de demain. La récolte et le traitement des données seront au centre du pilotage de ces usines « souples ». La programmation, ou l’auto-programmation des robots impose un transfert des ces chaines de montage vers le software. Il s’agit d’un défi colossal et difficile à relever.
  • L’usine en mouvement: on peut diviser l’évolution des usines en trois étapes clés : l’automation, l’autonomisation, et la verticalisation. La première étape, l’automation, est déjà accomplie. La deuxième étape, l’autonomisation, est en pleine émergence grâce aux agents IA, conférant plus d’autonomie aux « ouvriers artificiels » des usines de demain. La prochaine étape, les usines douces, se profile à l’horizon. Ces usines, bâties sur le logiciel et les données, ne se contenteront pas de fabriquer de manière autonome, mais prendront également en charge la conception. La « verticalisation » du processus de production est en marche. On change de dimension, l’usine s’élève.

Vieillissement de la population et automatisation

Le Japon, confronté à une population vieillissante et à une pénurie de main-d’œuvre, se tourne de plus en plus vers l’automatisation pour compenser cette lacune. L’innovation dans le domaine de la robotique, avec des avancées notables dans la perception sensorielle et la manipulation d’objets, devient un enjeu national. Le concept de « dark factory » et l’accent mis sur l’automatisation physique pourraient être des réponses à ce défi démographique, soulignant ainsi l’importance croissante de l’automatisation dans le paysage industriel japonais.

  • Préhenseurs versatiles: les avancées dans la robotique se concentrent sur le développement de préhenseurs polyvalents capables de manipuler une variété d’objets, ce qui permet une automatisation plus flexible et adaptable aux besoins changeants de la production.
  • Investissements nationaux: le gouvernement japonais soutient activement la recherche et le développement dans le domaine de la robotique, reconnaissant l’automatisation comme un moyen crucial de maintenir la compétitivité économique face aux défis démographiques.
  • Intégration avec la culture industrielle: l’automatisation s’intègre profondément dans la culture industrielle japonaise, avec des entreprises cherchant activement à combiner les traditions artisanales avec les technologies de pointe pour créer des solutions innovantes répondant aux besoins du marché.

Source: Manufacture Thinking

Dans le but de voir ce qui se passe réellement sur le terrain, des voyages dits de « con­statation des faits » (fact-finding) sont organisés régulièrement, afin de visiter des installations clés et de rencontrer des personnes éminentes dans différents pays du monde.

www.manufacturethinking.ch
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