Un workshop « Green by IT » pour soutenir les organisations dans la réduction de leur impact environnemental
Le Green by IT : un potentiel énorme sous-exploité
Le changement climatique est aujourd’hui l’une des principales préoccupations de notre société. Les chercheurs et la majorité de la population reconnaissent qu’il y a un besoin urgent d’agir pour réduire l’impact des activités humaines sur l’environnement. Bien que tout le monde et toutes les structures soient impliqués et responsables dans la réduction de l’empreinte écologique, on constate que les entreprises ont un rôle stratégique à jouer et pourraient apporter une contribution essentielle [1], d’autant plus qu’en Suisse, les activités économiques sont responsables de 67% de la consommation d’énergie [2].
Dans ce contexte, le Green by IT, parfois nommé aussi IT for Green ou Green IS, apparaît comme un levier important permettant aux organisations de réduire leur empreinte sur l’environnement. En effet, ce concept, encore peu répandu, se veut comme étant potentiellement plus impactant que le Green IT, aujourd’hui bien connu et consistant à réduire la consommation énergétique des technologies de l’information (IT). Le Green by IT vise à mettre en œuvre des solutions logicielles – également appelée systèmes d’information (SI) – dans le but d’améliorer et de créer de nouvelles pratiques au sein de l’entreprise, qui vont alors permettre une réduction de l’impact globale de l’entreprise sur l’environnement [3]. Le potentiel inexploité est important : alors que l’informatique représente environ 2% de l’empreinte d’une entreprise, le Green by IT peut contribuer à réduire les 98% restants [4]. D’après des scientifiques du CNRS, la mise en œuvre de SI devrait permettre d’économiser au moins 10 fois leur propre impact sur l’environnement d’ici à l’horizon 2030 [5]. Le Green by IT, complémentaire au Green IT, propose ainsi des moyens d’actions plus larges qui vont au-delà de la vision IT habituelle.
Quelles sont les difficultés qui retiennent les organisations à s’engager ?
Des études ont précédemment montré que les entreprises ne sont pas suffisamment engagées et n’initient pas suffisamment d’actions pour le développement durable [6]. Quelles en sont les raisons ?
La première raison de cette retenue est le manque d’information sur les bénéfices qu’apportent les actions de réduction d’empreinte. En effet, les dirigeants d’entreprises n’ont pas encore suffisamment pris conscience qu’être « écologique » fournira de plus en plus un avantage concurrentiel et souvent un retour sur investissement (ROI), malgré l’à priori selon lequel les projets en faveur de l’environnement représentent des dépenses déficitaires. La seconde raison est le manque d’outils et de méthodes pratiques existants pour aborder cette question. En effet, il existe un réel besoin d’outils efficaces qui aident et guident les entreprises à mettre en œuvre des solutions concrètes et qui leur donnent confiance dans les actions qu’elles entreprennent [1].
Une solution qui sensibilise…
Devant ce constat, des chercheurs de la Haute école de gestion Arc ont recherché quelles pouvaient être les meilleures options pour répondre à ces deux besoins, à savoir apporter cette prise de conscience au sein des organisations et leur proposer des outils efficaces pour les guider vers des solutions concrètes. C’est au travers d’un projet financé par la HES-SO qu’ils ont construit une solution répondant à ces besoins.
La solution développée est une méthode déployable auprès de tout type d’organisation, mis en œuvre à l’aide d’un workshop complet incluant une phase de jeu sérieux collaboratif. Contrairement au jeu conventionnel, un jeu sérieux n’a pas uniquement un but de divertissement, mais y associe une dimension « sérieuse », qu’elle soit communicationnelle, informative ou pédagogique. Pour le jeu sérieux développé, le but visé est une sensibilisation des collaborateurs aux actions qu’une entreprise peut réaliser pour réduire son empreinte environnementale, ainsi qu’aux avantages écologiques et financiers que ces actions peuvent engendrer. Concrètement, les participants, regroupés autour d’un plateau de jeu, devront se mettre d’accord sur les meilleures actions à entreprendre parmi un panel de cartes « action » à leur disposition. Certaines de ces cartes sont de type Green by IT, ce qui crée une prise de conscience des opportunités offertes par la digitalisation.
Le workshop, qui se déroule sur une durée d’environ une demi-journée, est animé par plusieurs phases distinctes qui vont plonger les participants, tantôt dans le jeu, tantôt dans la créativité participative et tantôt dans la consolidation des acquis et éléments produits. À son issue, les participants auront ainsi aiguisé leurs connaissances concernant l’impact environnemental des organisations et auront compris le concept et les possibilités encore peu connues du Green by IT.
… et qui permet l’émergence d’actions concrètes
En plus de sensibiliser, le workshop a pour vocation de créer des solutions innovantes propre au contexte de l’organisation dans laquelle il se déroule. En se basant sur les supports du jeu précédemment joué, les participants sont amenés, via différentes techniques, à faire émerger des solutions permettant à leur organisation de diminuer son impact environnemental. Une phase de consolidation et d’évaluation des idées créées permet alors de retenir les plus réalistes et pertinentes.
Les participants ressortent avec un lot d’actions ou de projets priorisés, innovants, de type Green by IT et contextualisés à leur entreprise, qu’il serait pertinent d’entreprendre. Appartient ensuite aux collaborateurs le loisir de concrétiser ces actions.
Méthodologie rigoureuse
Le jeu sérieux – outil central servant de base durant le workshop – a bénéficié d’une méthodologie particulièrement rigoureuse pour sa conception. Cette méthodologie intègre les résultats d’études scientifiques directement dans les éléments du jeu : en premier lieu, les domaines d’impacts environnementaux ont été établis à partir d’études publiées par l’agence ADEME et ont été intégrés dans les fondements du jeu ; en second lieu les mécanismes du jeu ont été évalués et sélectionnés à partir d’un recensement scientifique des mécanismes d’apprentissage [7] afin de garantir un processus d’apprentissage efficace durant son déroulement ; enfin, les moteurs de l’adoption du Green by IT ont également été analysés et intégrés dans le jeu, ceci afin d’augmenter la probabilité d’adoption des idées présentées par les participants.
En plus d’être conçu à partir de ces éléments scientifiques, le jeu a été construit en collaboration avec « Entrée de jeu », une société spécialisée dans la conception de jeux et composée d’experts en jeux sérieux. Cette méthodologie a permis d’en faire le premier jeu à destination des organisations qui permet une prise de conscience des possibilités d’actions Green by IT.
Afin de parvenir à un modèle de workshop abouti, le jeu sérieux ainsi que le workshop entier ont été testés et améliorés à plusieurs reprises. Cela s’est fait d’après un schéma décomposé en différentes phases qui ont permis d’inclure différents profils de personnes allant de personnes jeunes à moins jeunes ou encore de novices en jeu à de réels experts pro-gamers. Une dernière phase s’est déroulée dans un contexte organisationnel réel et a permis de prouver l’équilibre et la jouabilité du jeu, de même que le potentiel du workshop pour sensibiliser et créer des idées et projets pertinents pour l’organisation.
Premiers résultats encourageants
Afin de mesurer l’apport réel du workshop, un questionnaire a dû être complété par chacun des participants, et ce, avant et après son déroulement.
Les résultats ont montré un accroissement de la sensibilité, autant sur l’aspect de la durabilité que sur les opportunités que peuvent offrir le Green by IT. L’ensemble des participants ont déclaré que les actions en faveur de l’environnement pouvaient être compatibles avec les attentes financières de leur entreprise. De plus, leur intention de promouvoir des actions en ce sens au sein de leur entreprise était bien réel et a pu être mesuré. Enfin, il ressort que le workshop permet d’apporter bien plus qu’une sensibilisation, puisque les commentaires reçus démontrent que la méthode proposée aide à la création d‘idées d’actions pertinentes et in fine à l’amorçage de véritables projets Green by IT.
Perspectives
Alors que la méthode se trouve aujourd’hui dans une version aboutie, les auteurs souhaitent en faire la promotion auprès du plus grand nombre d’entreprises et d’organisations possibles. « Il s’agit maintenant de déployer les effets prévus, à savoir d’offrir une aide aux organisations, qui va permettre d’utiliser les opportunités du numérique pour réduire l’impact environnemental là où ce n’est pas toujours envisagé ». À ce titre, toute organisation souhaitant plus de renseignements ou qui porte un intérêt à dérouler ce workshop d’une demi-journée est invitée à prendre contact avec les auteurs mentionnés en bas de l’article. Le workshop peut avoir lieu avec un minimum de 4 personnes disponibles.
En plus de la création de cet outil, le projet, mené au sein de la HEG Arc, a également apporté un recueil de nouvelles connaissances scientifiques relatives au Green by IT et au Green IT. Ceci a permis l’ouverture d’une nouvelle formation continue sur l’informatique durable, dont la première session vient de débuter.
Pour plus d’informations : https://www.he-arc.ch/gestion/formation-continue/informatique-durable-point-de-situation-actions-possibles-et-opportunites
Références
[1] C. Mio, S. Panfilo, et B. Blundo, « Sustainable development goals and the strategic role of business: A systematic literature review », Business Strategy and the Environment, p. 1‑26, 2020.
[2] Office fédéral de la statistique, « Comptes de l’énergie et des émissions dans l’air en 2020 », 2022. https://www.bfs.admin.ch/news/… (consulté le 29 septembre 2022).
[3] R. T. Watson, M.-C. Boudreau, et A. J. Chen, « Information systems and environmentally sustainable development: energy informatics and new directions for the IS community », MIS quarterly, vol. 34, no 1, p. 23‑38, 2010.
[4] J. Dedrick, « Green IS: Concepts and issues for information systems research », Communications of the Association for Information Systems, vol. 27, no 1, p. 173‑184, 2010, doi: 10.17705/1cais.02711.
[5] F. Berthoud, « Numérique et écologie », Annales des Mines – Responsabilité et environnement, vol. N° 87, no3, p. 72‑72, 2017.
[6] S. Bonini, S. Gorner, et A. Jones, « How companies manage sustainability », McKinsey, 2010. https://www.mckinsey.com/busin…
[7] S. Arnab et al., « Mapping learning and game mechanics for serious games analysis », British Journal of Educational Technology, vol. 46, no 2, p. 391‑411, 2015.