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Interview croisée de Paul Merz, nouveau président du comité d’experts d’Alp ICT, et de Delphine Seitiée, secrétaire générale

par Alp ICT

« J’ai longtemps pensé qu’Alp ICT était une coquille vide », Paul Merz, nouveau président du comité d’experts de la plateforme

Depuis le 1er janvier 2022, Paul Merz est président du comité d’experts d’Alp ICT, la plateforme de promotion du numérique auprès des PME romandes. Sans détour, le serial entrepreneur genevois détaille sa vision pour que la Suisse occupe (enfin) la place qui lui revient dans l’écosystème de la tech, aux côtés de Delphine Seitiée, secrétaire générale de l’organisation.

Monsieur Merz, vous avez créé six entreprises ces dix dernières années. Le réseau Alp ICT a-t-il participé à vos aventures entrepreneuriales ?

Paul Merz : Non. J’ai essayé de me rapprocher de la plateforme quand je me suis lancé en 2014, mais je n’ai longtemps pas compris à quoi Alp ICT servait, ce que cela pouvait nous apporter. Je trouverais opportun que les entreprises soient plus représentées dans des organismes publics de soutien à l’économie. Pour comprendre l’entreprise il faut vivre l’entreprise. À l’époque, je n’avais pas identifié les mises en réseau qu’offrait Alp ICT et la veille que nous faisions en interne me semblait plus pertinente. Je m’en suis rapidement détourné avant de m’y intéresser à nouveau, il y a 3 ans environ.

Pourquoi prendre la présidence du comité d’experts d’une plateforme dont vous n’avez longtemps pas compris l’utilité ?

PM : Pour toutes ces entreprises qui, comme la mienne il y a 10 ans, ont besoin d’aide aujourd’hui. Je n’ai pas trouvé les personnes qui auraient pu m’orienter, en tant que jeune entrepreneur que j’étais, vers les bons outils et les bons référents. Je n’avais pas perçu ce qu’Alp ICT avait à offrir, sa richesse et son réseau. J’ai perdu énormément de temps, d’énergie et d’argent à trouver des solutions tout seul. J’ai beaucoup appris de mes erreurs et je souhaite aujourd’hui partager mon expérience pour que d’autres ne les reproduisent pas.

« Il faut faire travailler le formidable pool de talents qu’offre la Romandie sur les bons sujets. »

Je sais aussi que la Suisse a une place à prendre dans l’écosystème européen de la tech. Pour cela il faut sentir le vent de l’innovation, comprendre les besoins réels des entreprises et faire travailler le formidable pool de talents qu’offre la Romandie sur les bons sujets. Je souhaite sensibiliser l’écosystème sur ces questions afin d’obtenir les moyens à la hauteur des enjeux colossaux, qu’ils soient stratégiques, économiques, sociaux ou même éthiques. J’ai observé avec intérêt les initiatives de l’équipe qui a repris la direction opérationnelle d’Alp ICT en 2019. Je l’ai vue apporter un nouveau regard, une nouvelle approche et beaucoup d’énergie. Elle m’a convaincu que cette plateforme était le bon véhicule pour avancer.

Delphine Seitiée : Paul est très critique mais aussi très constructif. C’est pour ces qualités que nous l’avons identifié avec l’ancien président du comité d’experts, Pascal Eichenberger. Nous voulions un regard neuf, non formaté, axé terrain.

« Partager votre expérience« . C’est-à-dire ? Qu’avez-vous à transmettre aux PME romandes ?

PM : Mon parcours original m’a amené à traiter un large éventail de sujets et problématiques liés à la technologie. De designer puis développeur de sites internet, je suis devenu directeur de MAJ digital. Dans cette agence numérique, j’ai notamment conseillé de grandes entreprises de la place sur leur stratégie digitale, réalisé des applications innovantes nécessitant la mise en place de nouveaux modèles d’affaires, structuré des systèmes d’information et implémenté des projets de tokénisation d’assets sur la blockchain.

Puis je suis devenu investisseur, puis patron d’une PME industrielle avec Motosacoche. J’ai dû embaucher et gérer des dizaines de salariés, mettre en place des solutions logicielles et SAAS pour gérer la compta, le marketing, les RH, la logistique, gérer des réseaux d’ordinateurs et de serveurs. La digitalisation touche toutes les strates d’une entreprise, quel que soit son secteur. Mon bagage est rempli de problématiques terrain pour lesquelles j’ai dû trouver des solutions, et je les partage volontiers avec quiconque en a besoin.

DS : L’état d’esprit de Paul et son envie de partager ses expériences et sa vision du numérique sont une chance pour Alp ICT. Paul nous dit ce qu’il pense, on avance vite, on teste et on s’adapte.

Alp ICT est financé par les cantons romands et le SECO dans le cadre d’un programme institutionnel de soutien à l’innovation. Cette complexité n’est-elle pas un frein à votre action ?

PM : Cela m’a pris un peu de temps de comprendre l’écosystème, les limites et les missions de chaque partie prenante. Contrairement à une entreprise privée, ces organismes publics ont des rayons d’action très délimités. Dessiner une stratégie et un plan d’action relève parfois de l’équilibrisme. Mais la diversité des points de vue et des attentes est plus enrichissante que bloquante. Dans les opérations quotidiennes cela reste une petite structure agile qui peut s’appuyer sur un réseau puissant. Je ne suis pas pour la création d’un mastodonte, nous devons garder cette agilité, c’est une force. Il ne manque que des moyens à la hauteur des enjeux.

DS : Ce réseau, riche et dense, représente pour nous opérationnel·le·s une multitude de points de contact avec le terrain. Ils nous soutiennent et nous ouvrent des portes tout en nous laissant une grande autonomie. Les cantons jouent très bien le jeu de l’intercantonalité. C’est important de le souligner dans un pays où l’on est fier·e d’être Suisse, on est fier·e d’être Genevois·e ou Neuchâtelois·e, mais rarement fier·e d’être Romand·e.

« Le train du numérique est parti il y a très longtemps et la Suisse est restée sur le quai. »

Président du comité d’experts d’Alp ICT est une mission à durée indéterminée. Que voulez-vous avoir accompli avant de rendre le costume que vous venez d’endosser ?

PM : Au-delà du rôle de représentation du comité d’experts de la plateforme, l’essentiel du travail est consultatif. Le train du numérique est parti il y a très longtemps et la Suisse est restée sur le quai. Mais si notre pays a une courbe d’adoption très lente des outils digitaux, il peut compter sur un vivier de compétences techniques de très grande qualité qui mène à l’excellence. Nous savons que nous ne serons pas les premiers mais nous avons les moyens d’être les meilleurs. Je suis convaincu que nous pouvons encore tirer notre épingle du grand jeu numérique mondial en faisant collaborer universités, clusters, cantons et entreprises, et en choisissant bien nos batailles. À l’échelle d’Alp ICT cela signifie utiliser intelligemment nos faibles moyens pour être aussi exhaustifs dans la veille que ciblés dans les sujets que nous supportons. Avec le comité d’experts, nous devons construire des ponts entre les besoins des entreprises et les objectifs du pays, en collaboration avec les services économiques des cantons. Si, par mon engagement, je peux y avoir participé, je serai satisfait de mon bilan.

Très bien. Mais comment ? Alp ICT se présente comme une « plateforme« , un « agent de liaison«  ou encore un « réseau«  qui veut « encourager les synergies dans le domaine des technologies de l’information et du numérique« . Ça veut dire quoi, très concrètement ?

DS : Nous faisons tout pour connecter le milieu de la tech à celui des PME à travers notre mission première qui est le partage d’information. Lors de nos événements « Tech Demo » ou « Industry Connect« , quand l’ébauche d’un partenariat se dessine ou qu’un dirigeant d’entreprise obtient une réponse à une question face à laquelle Google n’est pas compétent, nous avons rempli notre mission. Et cela arrive de plus en plus souvent, parce que nous construisons nos programmes en fonction des remontées du terrain, pour les ancrer dans la vraie vie, les vraies problématiques des PME.

Nos événements sont loin des enchaînements de « keynotes » données par des « speakers » éloquents. Nous invitons des chefs de projets qui ont les mains dans le cambouis toute l’année et nous les préparons pour qu’ils viennent présenter des réalisations exemplaires, qui peuvent inspirer leurs semblables. Après près de quatre ans d’efforts dans ce sens, le bouche à oreille fait son effet : ce que nous proposons est à la fois très « terrain » et très accessible. Cela se sait.

PM : C’est effectivement ce qui a changé chez Alp ICT. Il ne s’agit plus de pousser l’information top down de manière opportuniste, déconnectée de la réalité et consommée passivement. L’équipe passe beaucoup de temps à écouter les entreprises pour comprendre leurs besoins. Elle y répond en délivrant de l’information intelligente, dynamique, via des événements auxquels les participants participent réellement.

« Nous allons mettre un coup de projecteur sur les pépites cachées du numérique en Suisse romande ! »

Vous pouvez le prouver, ce changement de paradigme ?

DS : Oui. Nous obtenons un score de 90% en moyenne aux enquêtes de satisfaction réalisées sur les événements que nous organisons. Dans le même temps, le nombre de followers et d’abonnés à la newsletter d’Alp ICT n’a cessé de croître. 14’000 personnes nous suivent aujourd’hui, dont près de 2’800 sur LinkedIn. C’est quatre fois plus que début 2020 ! Nous sommes aussi très fier·e·s d’être chaque année à l’origine d’une centaine de mises en relation entre entreprises romandes.

Ce sera votre premier chantier ?

PM : Non, mon troisième. Mon premier chantier a été de comprendre l’environnement complexe dans lequel Alp ICT s’insère et de trouver comment je pouvais y apporter de la valeur. Le deuxième se jouera lors de mes rencontres, programmées avec nos différents partenaires. Un bon moyen de jauger notre marge de manœuvre. Je voudrais aussi amener le comité d’experts à réfléchir à d’autres indicateurs de performance, révélateurs de l’impact économique mais aussi environnemental de notre action.

DS : Paul dédie aussi beaucoup de temps à répondre à nos questions. Sa connaissance et sa vision de l’environnement numérique représentent un apport précieux pour nous, équipe opérationnelle. Il nous oriente dans nos choix. Nous avons par exemple conçu avec lui le nouveau format de portraits que nous lançons dès le mois prochain : nous allons mettre un coup de projecteur sur les pépites cachées du numérique en Suisse romande !

Propos recueillis par Charles Foucault-Dumas

Paul Merz en 5 dates

2004 Quitte l’école à 18 ans, travaille dans la vente et apprend à coder sur son temps libre

2010 Se lance dans l’entrepreneuriat en vendant ses premiers sites web

2012 Créé sa première société MAJ Holding à Genève et fondera 5 autres entreprises en Suisse, en France et au Portugal dans les 10 années suivantes

2020 Rachète la mythique marque genevoise Motosacoche et la relance

2022 Prend la présidence du comité d’experts d’Alp ICT

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